Le retable et l'autel majeur de l'église

L’église Saint Etienne de Pépieux est un édifice ogival du XIVe siècle, classée monument historique. Son autel majeur et ses décorations suivirent les goûts artistiques du moment, entrainant au cours des siècles plusieurs modifications que nous allons essayer de décrire, dans la mesure où nous avons pu en retrouver les traces.

Les premiers embellissements

Le plus ancien élément conservé est une table d’autel en pierre. Elle a été découverte par pur hasard dans un jardin privé du village en 1941 par le chanoine Joseph Cunnac, qui en a déchiffré l’inscription : « XI MENSIS MARCI 1546 REG », ainsi reconstituée : « Cet Autel a été dédié le vingt et unième jour du mois de mars 1546, régnant notre prince François (1er».

Cette pierre est actuellement visible au fond de l’église en face de la porte d’entrée. Elle a très certainement remplacée le premier autel gothique, dont il ne subsiste absolument rien d’apparent.

En 1644, le chapitre St Just de Narbonne, seigneur de Pépieux décida la construction d’un retable en bois de teil (tilleul) orné de trois tableaux. La commande fut passée au maître sculpteur de Narbonne Jean Noireau, moyennant la somme de 350 livres. (Noireau est également l’auteur du tabernacle de l’église St Etienne de Minerve, et du retable de l’église St Luc de Ginestas). Quant aux tableaux ils furent exécutés par Jean Montlaur, peintre de Narbonne et représentaient « celui du mitan une Notre Dame tenant son petit Jésus avec une gloire d’anges au dessus, et aux deux cotés, la figure de Saint Etienne, Saint Just et Saint Pasteur. Et aux deux petits tableaux, à l’un l’histoire du martyre de saint Etienne et à l’autre l’invention du corps dudit saint Etienne ». En outre l’artiste devait dorer le tabernacle et décorer les gradins. Le tout pour la somme de 390 livres. En 1695, les éléments en bois furent redorés aux frais du chapitre. Tous ces ouvrages probablement en mauvais état ont été supprimés en 1783.

Une profusion de marbres

P1060060.JPGC’est à cette date que le chapitre de Narbonne désira offrir à la paroisse de Pépieux un ensemble monumental en marbre et bois doré destiné à remplacer le vieil autel de 1644. Le maître autel est disposé au-dessus de trois marches en marbre rouge de Caunes dont la dernière, aux angles arrondis, encadre une dalle en marbre blanc de Carrare. Le tombeau, galbé, est décoré d’une grande diversité de marbres. La base et le bandeau supérieurs sont en gris turquin de Caunes, les angles aux lignes courbes (gris) sont ornés de volutes et sont incrustés de brocatelle jaune (jura). Le galbe par lui-même est en marbre rouge dont la partie centrale est enrichi d’un grand panneau en marbre blanc, entouré d’un listel de marbre noir « Portor ». Les gradins sont en gris pour la tablette et en blanc de carrare incrusté de marbre « cervelas » pour la façade. Le tabernacle en carrare est décoré de volutes et d’une guirlande de feuilles de laurier. Entre les volutes est incrusté un marbre vert des Alpes de très bonne qualité. Sur le tabernacle est disposée une base en « griotte » de Félines, incrustée de brèche « Médicis » et de « brocatelle » jaune. Les panneaux latéraux sont en « Californien » de Caunes, ils sont décorés d’un ovale de marbre « griotte » où prend place un décor en bronze doré.

 

 

 

gamelin2L’œuvre de Jacques Gamelin

Surmontant l’autel un majestueux retable comportait deux colonnes incarnat aux chapiteaux en bois doré corinthiens supportant un fronton triangulaire denticulé semblable à ceux qui se trouvent dans les absidioles (qui ne sont que des copies XIXe). Divers éléments en bois doré (palmes couronnes, gloire, en complétaient l’ornementation.  La pièce maîtresse du retable était une toile peinte par Jacques Gamelin (peintre renommé de la fin du XVIIIe, natif de Carcassonne) représentant la lapidation d’Etienne, premier diacre de l’Eglise Chrétienne et patron de Pépieux. Cette œuvre d’une grande qualité montre le Saint en prière revêtu d’une dalmatique rouge, les bras en croix. Il est cerné par ses bourreaux qui s’apprêtent à lui jeter des pierres. Un angelot soutient au dessus de sa tête la couronne de fleurs et la palme des martyrs. Au sommet du tableau est représentée la Trinité.

 

Une œuvre victime des modes

Photo autel avant 1899C’est en 1899, sous le ministère de l’abbé que l’ensemble fut entièrement démonté. Les directives liturgiques de l’époque imposaient un autel à la Romaine. C’est-à-dire que l’autel devait s’élever au centre de l’abside, juste au-dessous de la clef de voûte, et ne devait toucher aucuns murs. De plus de tels aménagements permettaient  un apport de luminosité supplémentaire dans l’église car il imposait la réouverture de la fenêtre axiale de l’abside. Le retable fut donc supprimé, l’autel avancé et les éléments principaux furent dispersés dans toute l’église. Des pierres anciennes avaient été trouvées et ont été entreposées dans le jardin d’une famille de Pépieux. Il y avait entre autre parmi celles-ci la dalle datée de 1546. Le tableau lui, malheureusement « abandonné » fut mis sur une travée du mur Nord où il est toujours.  Pour compléter le nouvel agencement de l’autel, de grands anges lampadophores prirent la place des colonnes sur les piédestaux latéraux. Et comme c’était de mode, un grand sacré cœur de plus de deux mètres de haut fut placé au sommet du tabernacle. Vers 1920 deux statues supplémentaires ont été placées dans le chœur, celles des deux patrons de la paroisse : St Etienne et St Pierre. La première a pris place dans une chapelle latérale, l’autre reste disparue. Effectivement la fin du XIXe siècle a été marquée par un nouveau style : le style Sulpicien. Il s’agit de ces statues et chemins de croix en plâtre ou terre cuite peints qui ont été produits en grande quantité et que l’on retrouve un peu dans toutes les églises.

 

Les impacts du Concile sur les églises rurales.

Le 8 décembre 1965 eu lieu la clôture du Second Concile œcuménique du Vatican, un grand renouveau liturgique débuta à partir de cette date. Les anciens autels furent désaffectés et de nouveaux furent installés. Il fallait aller droit au but, le superflu devait partir. C’est ainsi que toutes les statues que les fidèles allaient vénérer (au lieu d’adorer « le bon Dieu ») furent supprimées ou données aux familles notables qui les avaient offertes. Ainsi toutes ces statues ajoutées au XIXe siècle furent en peu de temps éradiquées de la vue des fidèles. Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Les notables étaient content de récupérer leur « bien » qu’il croyaient avoir perdu en 1905 avec la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Aujourd’hui l’autel majeur de Pépieux est presque entièrement dépouillé de toute garniture. Un juste milieu reste à établir…

 

                                                                              Nathan Cabrera, Sacristain en l'église Saint Etienne de Pépieux


 

Sources :  Registre du conseil de Fabrique

                                                                                              Série V archives

                                                           L’église Saint Etienne de Pépieux de Nathan Cabrera

 

 

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